On peut s'interroger sur l'opportunité d'emmener les enfants au cinéma alors que tout le monde s'accorde à dénoncer l'emprise grandissante de l'image dans leur quotidien, notamment par le biais de la télévision. Paradoxalement, il nous semble justement que la place du cinéma est plus que jamais primordiale. Car ce n'est pas l'image en soi qui est néfaste, ce sont certaines catégories d'images, qui proposent une vision ciu monde standardisée, sans aucun souci de créativité et d'imagination. Il y a également différentes manières de voir les films. Devant le petit écran, on s'assoit souvent par habitude, paresse ou désœuvrement pour consommer un flot d'images que la pratique du zapping ne fait que précipiter un peu plus. Alors que l'on n'arrive jamais vraiment par hasard au cinéma : il y a la démarche volontaire de se déplacer et de payer sa place pour voir un film que l'on a choisi, sur un grand écran et dans le noir. Il n'est donc pas tant question de sevrer les enfants d'images que de leur apprendre à les voir, à les juger et à les aimer. Et nous espérons que celles que nous leur proposons cette année leur feront ouvrir grand les yeux. Les plus grands pourront retrouver Popeye et Betty Boop, héros dont ils ont peut-être déjà fait la connaissance à la télévision, mais dont Côté court les invite à suivre des aventures conçues exclusivement pour le cinéma, à l'époque où celui-ci proposait des films courts avant le long métrage. Créés par Dave Fleischer dans les années trente, ils font partie des premiers dessins animés sonores. Betty Boop, la plus affriolante des créatures de cartoons, est entrée dans la légende avec sa taille de guêpe et ses séduisantes boucles noires. Quant au marin Popeye, flanqué de sa maigrelette fiancée Olive, il était à l'origine plus célèbre que Mickey aux Etats-Unis. Ses gros muscles tatoués ont certainement encouragé des générations d' enfants à manger des épinards ! Nous emmènerons les plus petits en Lettonie, pays nordique dont la cinématographie nous est quasi inconnue, avec un programme de films courts composé de deux séries d'épisodes :"Les Espiègles" et "Munk et Lemmy" La première série se déroule dans un cadre champêtre, bourré de détails qui surgissent au rythme du héros, un jeune gamin espiègle dont les facéties permettent l'arrestation de voleurs ou évitent à une truie d'être transformée en jambon et boudin. "Munk et Lemmy'' fourmille également de richesses créatives, pleines de rebondissements et d'astuces, mais sur un mode plus dépouillé. Chacun des épisodes nous permet de retrouver cette étrange communauté animale en proie à de nouvelles épreuves : une dispute autour d'une appétissante pomme de pin convoitée par tous, la désobéissance du petit Tigrelapin qui préfère se délecter de fruits bien ronds et juteux plutôt que de manger les traditionnelles carottes que lui donne sa mère, le désarroi de Lemmy et Munk devant une noix qu'ils n'arrivent pas à casser... Nous sommes ici dans un monde pré ou plutôt an-historique, sorte de paradis terrestre où de drôles d'animaux font l'apprentissage de la vie, du besoin de se nourrir, de se protéger, de s'unir pour être plus fort... Ces expériences élémentaires sont abordées de manière légère et ludique, sans aucun didactisme, ni moralisme réducteur. Car si chaque aventure se termine bien à première vue, le monde de "Lemmy et Munk" n'est pas pour autant idyllique. Il faudrait plutôt parler de jungle paradisiaque, où les fruits, à portée de main, contiennent parfois des vers... Non dénuée d'une certaine cruauté, cette joyeuse petite "comédie animale" met en scène un univers utopique où chacun trouve sa place et satisfait ses besoins, mais les plus astucieux et les plus chanceux parfois plus facilement que les autres...
Claire Vassé